[Oeuvres] Conseils pour lectures assoifées

Je ne suis pas bien certain que les Liaisons soient rehaussées de morale. C'est parce que la méchante est punie, que vous dites cela ? Je ne suis pas d'accord, il y a des morts et des finis en couvents, tout de même. Précisément, pour l'époque l'ouvrage est particulièrement immoral. Pour Sade, c'est bien du libertinage, mais au sens latin du terme, de l'esclave émancipé. C'est une oeuvre très complexe et je me refuse le laissé aller à en parler avec légèreté. C'est passionnant, et moins anodin, moins provoquant qu'il n'y paraît. Il s'y réfugie, je trouve, une métaphysique profonde et puissante - d'ailleurs sinon pourquoi en parlerions nous encore, au delà de ce que le pauvre marquis a passé trente ans à la Bastille pour ses écrits ?

Ah, Genêt, oui, c'est cela, un génie sans doute parce que sans remise en cause, il ne se regarde pas du tout écrire et ne se pose que très peu (il se la pose tout de même, lisez son Journal d'un voleur qui va vous plaire, énormément, Pasiphae) la question du sens de son acte littéraire. Je considère Genêt comme un des génies cabotins, foufous et anticonformistes (en cela qu'ils défraient les conventions, les arrangements littéraires et forcent à la remise en cause, du moins Genêt ouvre-t-il une brèche dans les embriquements figés en y ouvrant un monde d'inclassables selon les voies normales et académiques, voir le débat sur la dictature des cases), qui ne réfléchissent pas à la bombe qu'ils produisent dans les eaux jusqu'ici bien lisses de la marre. C'est un scandale, cet auteur. Un libertin. Un révolutionnaire, mais sans la pose grandiloquente de Hugo, par exemple (car je m'efforce de penser que Genêt fait tous les genres en un seul roman : poésie, théâtre, prose, politique, moeurs, que sais-je encore ?). Pour finir hâtivement et rejoindre les injonctions sociales qui m'entourent, j'adore Gide, que je considère comme une sorte de petit héritier de Wilde dans sa première phase (Les Nourritures Terrestres ont fait dans ma vie pendant solaire du De Profundis) et un journaliste plus brillant que de coutume dans le reste (Son École des femmes m'a marqué à jamais, mais à peu près comme tous ses livres), qui n'a jamais été vraiment un grand écrivain. Je le vis un peu comme un délicieux imposteur. Avez-vous lu ce qui me semble être un de ses chefs-d'oeuvre, Le Prométhée mal enchaîné ? Une courte et fulgurante pièce de théâtre où il aura expérimenté pour la première et dernière fois l'expérience de la transgression poétique en tant que mythologue.

Ah oui, très probablement. Un réflexe entique.