Voilà, donc, les (beaux) poèmes de ce dernier concours
:
Poème 1 :
La très très grande forêt.Mais si j'y pense
C'est qu'il est déjà trop tard pour l'oublier Qu'il n'est plus de paupière à protéger
De l'immense lumière du tramway en bordure
de la forêt
le tramway bleu a distendu ses rails de part en part
Les hêtres engorgés
ils s'enlacent à la lune
et suent
Et l'enfant qui aimable
Donne des pieds d'ombres
Immense!
à la forêt
Petit chemin oiseau siffleur
Au matin des roses exténuées
Je ne sais pas encore comment mes doigts
Se feront à la liane
Aux écailles
D'une habitude ou d'un reflet très long
Un habit de voyage…
"Petit tas de fleurs"
Des secousses
Des trau-ma-tismes
le tramway a laissé sur le côté
des lys des azalées
jonché sur le côté
des larmes même pas tristes
Poème 2 :
SonateTout commença dans cette univers de bulles
Où l'alliance des pavés n'était encore
Qu'à l'état de particules, et vos corps
Lourds du poids de n'être rien
Ne se laissaient encore bercer par rien
J'attends encore, lentement, que les miettes rondes
S'assemblent, j'attends l'univers bleu sous vos têtes
Prendre forme de ville, connaître haut, bas, vos corps
Puis le mien, là pour parler des vôtres, et les cueillir
De ce bouquet que je sens grossir dans ma main
(une ville entière dans ma main), des rails lourds
Accouchent d'eux mêmes dans une orgie ferreuse
Et sur eux un corps immense, monde entier de bulles
Amoureuses, monte et rugit, glousseuses de joues bleues
Tramway mon amour le monde a pris pose de tableau
Autour de toi, qui t'ourle d'impression, ce soleil qui se noie
Dans l'eau bleue comme toi et donnant aux lumières
Leur allure de femme, et tes hanches mauvaises
D'avoir tant de sang rouge et si peu de peau bleue
De mouvant en mouvance, les stations défilent
Affreuses de bleuités, toujours sauvage comme
Ton râle, ton râle d'homme humilié, et ton ventre
Qui digère tout le jour ces tâches invisibles
Que tous les peintres cachent sous des masses de pierre
Toi, tu es le décor, un décor triste et beau
Où dans les corridors qui mènent à la mer
Les passants toujours passent et ne te voient jamais
Car soit ils sont en toi, soit leur pas suffisant
Les font n'être plus bleus mais noirs comme des hommes
Tu ne sais qu'être bleu comme le plus beau des hommes
D'être ce son sans voix porté par la couleur
Le verbe de son chant, et qui doucement glisse
Dans le cours d'eau bleutée qui grince sous ta roue
Ces milliers d'oiseaux agonisant sous toi
Crient avant d'être mort que leur plumage bleu
Avait la même odeur que ta carcasse d'homme
Poème 3 :
Des racines et des rails - parcelles d'un voyage accidentel -De Bâle à Montréal
entrecoupé le temps s'étire
s'écorche aux mouettes à genoux
~
Sept cent kilomètres à l'heure
sans demi-mesure
sans métronome le tempo est
trop plein
(un tremplin d'illusions)
Des creux vastes au bord des paupières
je vois je vois les rails l'inconnu
tunnel bitume ou passage étranglé
comme le nid d'un cri -
C'est la trame translucide des orifices
du tramway bleu
du tramway transatlantique
~
Wagon numéro trois :
j'y ai planté un sycomore
six bouteilles de vertèbres en liqueur
pour l'arroser
Racines percez la moleskine
et les parois indigo
aux rails s'accrocher vaille que vaille
(moi je charrie des fragments de lenteur
des entrelacs de ciseaux)
~
Et le tunnel tousse sa sinuosité
À l'ombre mes reins noircis
mes mains grisées - J'ai les yeux mal mis
crevasses aux torts des frontières
Il faudrait il faudrait s'arrêter là
l'iris ténu
tenue au point de l'entre-deux
de l'entre-continents
Racines percez la moleskine
mes reins mes mains en freins
stop
~
Des poings
je ferai fuir la version des illusions
et l'aversion des illuminés -
mettre des barbelés aux paumes
et déglutir des rubans flétris
Mais sept cent kilomètres à l'heure
entrecoupé le temps s'attend
entrechoqué le temps déraille
(doucement
doucement
tout doucement).
Poème 4 :
Elle a toujours du monde dans les entrailles
C'est un monde impersonnel
Bleu, qui noircit aux côtés
New York a dans ses sols des regards d'enfant vide
Les néons s'enroulent autour des passagers
Tous chantent, les mêmes notes
Bleues, qui tremblent parfois
Je voudrais écrire une lettre
Des vitres froides des clochards des affiches du jazz
Sans que tu t'éparpilles
Parce qu'à chaque lieue qui nous tient mêlés
J'ai joint
Un bleu klein
Un clin d'œil
Une peur déclinée en teints sauvages
Je me souviens de New York comme d'autres parfums
Je me souviens d'un merle d'un arbre d'imposteurs
D'inconstances ribambelles
Maquillées
Puis moi farouche
Et j'ai ri
C'était ta faute
Je voudrais écrire une lettre où j'égrènerai ma dette
Des guirlandes en bracelet
Sans la peur intestine
Sans la peur insidieuse
Le blues des tramways bleus est un chant sans confiance
Qui voient passer et dépasser
Passagers de passage
Et ne tiennent jamais dans leur ferraille une chaleur quelconque
Quelconque et néanmoins pas moins
Comme une entente longue
De neuf cent vingt-cinq kilomètres
Les chants sanguins j'ai oublié
L'époque ne manque plus à mon sang paisible
J'ai changé les virgules en poings
Je mets ici
Un point sur les mercis
--------------------------------
Voilà ! je vous laisse jusqu'au 5 Avril pour voter, classement et commentaires à m'envoyer, comme d'habitude, par mp. Pour toutes rectifications à apporter me contacter également.