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 [Idées] Lumières rationnelles, irrationnelles et surnaturelles

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Neverone
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MessageSujet: [Idées] Lumières rationnelles, irrationnelles et surnaturelles   [Idées] Lumières rationnelles, irrationnelles et surnaturelles EmptySam 18 Déc 2010 - 18:26

Il se passe quelque chose de singulier au courant du siècle précédent les Lumières -- siècle des Lumières ainsi nommé pour ce que ses représentants écarteraient la Superstition, la Folie, les Passions, au profit de la Raison, le Progrès, l'Insoumission aveugle et stupide aux autorités spirituelles & temporelles, le Bonheur social et politique, la Démocratie.

Eh bien, dans le siècle qui précède -- dit "le Grand Siècle" ou "Siècle de St-Augustin", en raison de la fondation de l'Académie française, l'invention des Grammaires, le développement de la Mathématique (qui toutes doivent beaucoup leurs apparitions aux gentilshommes de Port-Royal, d'inspiration janséniste -- Jansen lui-même inspiré par St-Augustin), les traités de Descartes et de Pascal, la grande tragédie d'un Corneille honorifique et d'un Racine tendre et sentimental... -- dans ce siècle, donc, l'Europe connaît une rupture épistémologique (c'est-à-dire concernant sa représentation du monde). De l'alchimie, on passe à la chimie ; de la Raison divine révélée par le Livre, on passe à la raison naturelle (humaine), et surtout on connaît la querelle des Anciens et des Modernes, qui scelle la Renaissance (à savoir, l'émergence du français comme langue digne de littérature, et la valorisation des auteurs d'alors au même titre que les Anciens, voire leur surpassement présumé).

Là, tous les ingrédients sont réunis pour que les grands bourgeois du XVIIIè siècle (siècle des Lumières, donc) prennent leur essor littéraire et, ce, d'autant plus que l'aristocratie dédaigne la plume. Aussi, et pour le dire de cette sorte, les auteurs des Lumières inventent l'idéologie des Lumières, aux valeurs susnommées.

La raison naturelle est à l'honneur. La Révélation est prête à être jetée aux lions comme délire. L'idéologie des Lumières invente en quelque sorte l'obscurantisme passé. Prônant sa luminosité, elle jette sciemment une ombre sur le passé, ces mille années que l'on décrêterait sombres, ignares, soumises et bêtes au XIXè siècle (probablement ébloui encore, d'autant plus que la Révolution française se réclamera des Lumières).

Les Lumières dès lors, apparaissent comme une révolte et une rébellion, ce qu'elle est beaucoup au plan des idées. Pour cela au moins, un certain Karl Marx n'aura pas tort de dire que la bourgeoisie a renversé l'aristocratie -- aristocratie d'ailleurs profondément anéantie depuis Louis XIV, la centralisation, l'absolutisme et la courtisanerie "décadente".

Prenons cet adulé Voltaire : il méprise les petites gens du bas peuple, et juge que la religion lui est nécessaire pour pallier sa vilénie, tandis qu'elle est un bon instrument de contrôle des masses. Au-delà, il conçoit le déisme auquel il croit : un Créateur horloger cartésien, concepteur rationnel du monde dont l'Homme dégage rationnellement les lois. Ainsi, la société va de l'avant en un progrès sans fin, et cela engendre le bonheur de tous les Hommes. Méprisant, il est optimiste et philanthrope... N'inaugure-t-il pas l'attitude du mécène capitaliste contemporain ? ... D'autant plus qu'il pamphlette contre l'esclavagisme, tout en y plaçant des actions boursières parce que c'est rentable. Quel cynisme ! (au sens contemporain du terme) ... Mais faut-il ajouter que l'Histoire retient de Voltaire ses écrits à caractères philosophiques, quand il était réputé pour ses tragédies ? Quel malentendu !

Voyons Montesquieu : dans De l'Esprit des lois, grâce à Aristote, il théorise trois formes de gouvernements : l'autocratie, l'aristocratie et la démocratie ; avec les fameuses trois sources de pouvoir : légal, exécutif et juridique. Là, il pose que la gouvernance peut être vicieuse ou vertueuse et, pesant le pour et le contre, il juge que l'autocratie est trop risquée : un seul Homme aux commandes, et tous les subordonnées dépendant de sa nature vicieuse ou vertueuse. De même avec la démocratie : le peuple ne peut pas être vertueux, c'est une masse informe régie par l'opinion (la doxa) ; de plus, la mobilité des gouvernements n'est pas propice à une politique durable. Voilà pourquoi l'aristocratie est le plus équilibré des régimes, puisque si un aristocrate n'est pas vertueux, il y en a cent pour le compenser, et des politiques d'envergure peuvent être menées.

Voltaire et Montesquieu veulent d'un "despote éclairé". De même : Kant, en Allemagne, qui interprètera la Révolution française comme la terrible marche du Progrès de l'Histoire qui révèle les Hommes au Bonheur.

Prenons maintenant un Diderot. Avec D'Alembert notamment, il produit la fameuse Encyclopédie, projet audacieux et -- à mon avis -- aussi digne que la Bible. En effet, ça, c'est une révolution : rassembler les savoirs, et des savoirs critiques, pour les diffuser. Là, il y a action ; là, il y a démarche. Or pourtant, Diderot est comme ses trois comparses : pour un despote éclairé ! non pour la démocratie. Au reste, profondément athée quant à lui, il avance son fatalisme dans Jacques le Fataliste, mais un fatalisme libérateur : "Puisque tout est écrit, tout est permis !" Enfin, on le dit libertin de mœurs. Il est cohérent avec lui-même : tout est permis.

Mais alors là-dedans, qui prôna réellement la Démocratie ? ... C'est ce bonhomme paranoïaque de Jean-Jacques Rousseau, archétype du bourgeois contemporain : propriétaire, frileux et irresponsable de ses actes. On le dit pré-romantique, en ce qu'il adore Dame Nature (Les Rêveries du promeneur solitaire) et il modernise un genre que tous méprisaient alors dans ses Confessions, espèce de confessional laïc, aveu sur le divan épris de culpabilité avant l'heure... Craignant donc l'autorité, il ne lui faut pas moins qu'un peuple entier pour gouverner, et c'est la Démocratie, avec ce paradoxe affolant que chacun sacrifie sa liberté personnelle au Bien commun, censé fournir une nouvelle liberté citoyenne. Tout un chacun, rassemblé en une Volonté commune... Cela me fait penser à ces fous, qui voudraient demeurer indifférenciés et ne faire plus qu'un avec le monde.

Maintenant, passons outre-manche pour découvrir (beaucoup plus tôt, certes) Adam Smith et tous les penseurs libéraux. Qu'est-ce qu'alors le libéralisme ? ... La volonté et le besoin philanthropique d'enrichir les nations (The Wealth of the Nations). On divise les tâches, on rationalise, pour produire plus dans ce monde de disettes, de famines et de manques d'hygiène. On fait sa Révolution industrielle avec la vapeur, on y va, on se lance. La capacité d'initiative de chacun (esprit d'entreprise) stimule la créativité et ainsi les égoïsmes (il faut alors comprendre ce terme au sens de démarches personnelles, dans un monde soumis au collectif) agissent de concert pour le Bien commun. Ô Kings et Lords, laissez donc libres les Hommes d'entreprendre et de commercer, vous le percevrez bien en taxes et impôts ! pour le bénéfice de tous... Reste que, on en a conscience, la division des tâches est abrutissante, voilà pourquoi l'Éducation de la jeunesse et l'Instruction publique des adultes doivent devenir missions d'État ! ... Elle est pas belle la vie ? ... Les Hommes, plutôt que de s'échiner à planter des choux, chercher l'eau au puits, élever leurs enfants, etc. travailleront désormais ici, recevant leur paie indexée sur le temps travaillé, pour se procurer l'ensemble des biens nécessaires à leur vie, et ainsi bénéficier de temps libre, tout en pouvant améliorer leur domaine de compétence en s'y spécialisant. (On est encore très, très loin du capitalisme, car on ne parle pas de Croissance nécessaire, mais simplement d'enrichissement global ; or le néolibéralisme écartera les missions de l'État en tendant vers la dérégulation totale, une forme d'anarchie chaotique : car même l'anarchisme n'est pas de cet acabit !)

En fin de comptes, les Lumières sont devenues une idéologie, propre à l'époque où les bourgeois veulent s'émanciper, où la diffusion des connaissances depuis l'imprimerie (XVè) et la rupture épistémologique du Grand Siècle, ouvrent plein d'horizons nouveaux. C'est la porte ouverte à tous les parvenus, les arrivistes, les idéalistes et surtout -- surtout -- les optimistes qui veulent tout optimiser (cf. Candide, ou l'optimisme). Le XIXè siècle pouvait venir où, malgré une chute de tension romantique (sacre du passé et de la nature), c'est le progressisme, le scientisme et le positivisme qui sont à l'honneur. On jeta le discrédit sur l'ordre des choses, en arguant que l'Homme pouvait être Maître du monde, façon de parler : Dieu fut assassiné. ("Dieu est mort" écrit en gros Nietzsche, "et nous l'avons assassiné. Nous n'en avons même pas encore pris acte, et nous sommes benêts, inconscients du nihilisme sur lequel nous marchons désormais. Nous avons laïcisé les vieilles valeurs, les vieilles idoles, tout en en élevant d'autres qui leur ressemblent. Or désormais, il faut transvaluer les valeurs !" Et encore Tolstoï : "Si Dieu est mort, tout est permis." mais tout est permis sûrement pas au sens de Diderot, qui vivait ça comme une délivrance, là où Tolstoï vit cela comme une angoisse.)

Que pensez-vous de ce topo ?
Comment trouvez-vous le siècle des Lumières quant à vous ? Et ses différents auteurs ?
Que nous en reste-t-il aujourd'hui ?

(Ces questions en guise d'amorce ne doivent empêcher personne de se lancer à sa façon.)
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